Tipiak - La micro-informatique dans les années 80


Les 8 bits :


Tout a commencé par quelques brefs contacts avec un ZX81 et extension de RAM pendant 2 journées en camp de vacances. Je n'avais pas été conquis par cette machine, mais l'informatique m'intéressait.

 

 
Je me suis ensuite amusé à redéfinir des caractères et les déplacer sur l'écran sur un Thomson Mo5 (1 semaine en centre de loisirs).
 
Plus tard j'acquis un Spectrum ZX+ mais après 2 semaines, dérouté par son fonctionnement, je l'avais ramené à la boutique pour l'échanger contre un Atari 130xe avec son moniteur monochrome (vert) et son lecteur de cassette. Le Basic était intégré.

 
Il y avait de la diversité au niveau machine à l'époque : TI 99, Apple IIc, Coleco, à

C'était en 1983, j'étais au collège, en troisième.

Un voisin situé deux rues plus, avait un 800 xl nous échangions nos jeux sur K7, copiés grâce à nos platines cassettes audio, (Bruce Lee, Smah Hit Vol1, Conan).
Je devais avoir 3 ou 4 jeux sur cassette, les jeux étaient chers et difficiles à trouver hormis sur Paris.


L'achat d'un lecteur de disquette Atari 1050 chez Micro Vidéo près de la Gare du Nord en 1984 changea beaucoup de choses. Ce fut un réel investissement : près de 2000 francs.
Avec un macro assembleur 6502 Rockwell (je l'ai toujours), je commençais à apprendre l'assembleur et le basic en autodidacte.

Les jeux étaient toujours inabordables, je pouvais tout juste m'offrir des disquettes vierges. Donc je codais en assembleur 6502. Je recopiais aussi les listings sur des livres et sur Hebdogiciel. Dans mon lycée (BEP électronique) une annonce attira mon attention : vends disquettes usagées 5" 1/4 et c'est à ce moment que les choses bougèrent.

Apres avoir contacté le vendeur, ce dernier me reçut chez lui, il avait le tout récent Atari 520 St (alimentation séparée) avec the Pawn qui tournait dessus. Je fut estomaqué, il se séparait des disquettes de sont ancien ordinateur car le St était en 3" 1/4 et ma surprise fut de taille : 300 disquettes et des livres (jamais édités en France) pour 3 ou 400 francs. Une super affaire. La deuxième bonne surprise c'est qu'elles étaient remplies à ras bord de jeux craqués et d'utilitaires venant directement des Etats-Unis, pour Atari 800 ! Je suis passé de quatre jeux sur cassette pendant un an à 3000 jeux sur disquette en un week-end !!!!!!!!!!!!!!!! (J'ai mis un an à les répertorier).

Je découvrais Zorro, Lode Runner , Alternate Reality, et des tas d'autres jeux.

Mais 80 disquettes restaient illisibles sur mon lecteur 1050 Atari.
Par petite annonce je fis l'acquisition d'une extension DUPLICATOR, c'était une petite carte à mettre en place dans le lecteur de disquette 1050, permettant à ce dernier de lire les disquettes 180 ko double densité (simple densité 90 ko et médium densité130 ko en standard).
Les fameuses 80 disquettes étaient au format double densité 180 ko et se mirent à dévoiler leurs secrets...
Ces disquettes, facilement copiables furent une monnaie d'échange pour m'ouvrir les premières portes du monde de l'informatique.

Les 16 bits :


En fin d'année de BEP nouvelle acquisition : un Atari 520 STF toujours chez Micro Vidéo.
Une connaissance, Rémi dit Zappeur insistait pour que je rencontre un de ses potes : Laurent dit Eggskull. Les échanges commencèrent : Eggskull avait des originaux, il était un swapper de tout premier ordre.

Je craquais les jeux originaux avec SPY 2.1.

Le premier groupe était né : PRL. Je fis une intro en GFA BASIC.

Je me rappelle des nuits blanches passées à jouer ou craquer dans l'appartement de Zappeur pendant que ses parents étaient partis en week-end.

Je me rappelle aussi de Zappeur la tête dans la casserole de pâtes en train de lécher le fond ! Les news affluaient et l'activité allait crescendo.

Je me mis à l'assembleur 68000. Ce fut un vrai bonheur : un jeu d'instruction monstrueux, 16 registres 32 bits, des modes d'adressages trop délires (le Pentium core 2 duo à 12 ghz ne les a toujours pas... ( Quel merde Intel ). Cela me permis de faire sauter les protections du genre xbios 8 qui me causaient pas mal de déconvenues avec SPY 2.1.

C'est l'époque de FASTCOPY et PROCOPY 1.50, de Super Sprint, Spy vs Spy, Return to Genesis , le Manoir de Mortevielle, Bubble Boble, de StMag et TILT.

Puis je fis connaissance du père de Laurent (Eggskull), Daniel, quelqu'un de calme, posé, rigoureux, perfectionniste et réservé.

Alors que PRL, the Masters ou tous les autres groupes dont j'ai pu faire partie cherchaient à se faire connaître sur la scène, Daniel était à l'opposé, discret, solitaire. C'est l'une des personnes qui m'a le plus marqué. Outre le domaine informatique ou il avait toujours une longueur d'avance sur nous, ce fut l'un de mes meilleurs amis. Son décès laisse un grand vide.
Je me rappelle d'un jour ou Daniel m'avait préparé une copie de Outrun à peine sortie en France. Daniel arrivait à tout copier. D'abord avec l'Atari puis avec un Amiga 1000 et un soft développé par Jcf, puis, plus tard avec un lecteur de disquette Amiga ou il ajustait la vitesse de rotation ! Oui Donjon Master l'original était copiable, Monsieur !

On entrait dans la cour des grands et la tout se bousculait.

Les jeux du moment : Xenon, Explora, et Sidewinder sur Amiga.


Je voyais régulièrement Daniel sur son lieu de travail un grand magasin informatique du coté de République sur Paname, c'est la que je fis la rencontre de Milan. Après avoir eu une discussion passionnée sur l'Atari, Milan me proposait de rentrer dans son groupe sur Atari St : The Masters. Milan était un bon vivant, je n'ai jamais fais autant de resto qu'avec lui, c'était toutes les semaines. Il était le leader du groupe, il ne craquait pas mais il avait le pouvoir de fédérer ses troupes et il connaissait pas mal de monde dans le milieu.

Et la, je passais à la vitesse supérieure quand Milan me parla d'une protection : la ROB NORTHEN. Je m'étais cassé les dents dessus à plusieurs reprises.

Une nuit Milan m'emmena dans une chambre de bonne tout en haut d'un immeuble paumé dans Paris et me présenta Alex, dit Blood.

Alex avait accepté de m'expliquer le fonctionnement de la ROB NORTHEN.

La Rob Northen :

Le principe : un programme crypté va lire un track non copiable une variable est retournée dans D0 et comparée.
Le fonctionnement est basé sur le décryptage et encryptage en temps réel.
Le logiciel de décryptage est codé dans la routine de Trace (mode pas a pas).
Le mode trace est utilisé généralement par un debugger. Quand le 68000 est basculé en mode trace, après chaque instruction la routine trace est exécutée.
Dans le cas d'un debugger, le vecteur de trace pointe sur le debugger on peut donc exécuter un programme en mode pas à pas.

Donc pour la ROB si je me rappelle bien la protection commençait par une instruction illégale qui permettait de mettre en place le vecteur trace sur la routine de décryptage et basculait le 68000 en mode trace.

Apres l'opération illégale le code était incompréhensible car crypté mais avant d'exécuter une instruction le 68000 allait dans la routine de trace décryptait l'instruction et encryptait la précédente.

Pour pouvoir l'exécuter en mode pas à pas il suffisait de modifier la dernière instruction de la routine de trace par un jump sur la routine de trace du debugger. C'était rigolo de tracer la Rob car en mode pas à pas, on ne voyait qu'une seule l'instruction décryptée à la fois !

Le talon d'Achille des premières Rob Northen était le compare de la variable retournée à la fin de protection, il était en clair lui donc facilement modifiable. Mais dans les versions suivantes ce fut modifié par Rob Northen.

Milan m'expliqua qu'Alex avait désassemblé la ROB à la main sur papier et en était arrivé a bout après un mois. Alex ne faisait pas partie des Masters, il avait d'autres projets.

A l'époque 80 % des softs étaient protégés avec la ROB.

Pour contourner les protections plus rapidement, je mis au point avec Pascal (Zarathustra) une astuce : cabler IPL 7, la non maskable interrupt du 68000. A l'aide d'un 74LS121 (Circuit Intégré logique), je pouvais en appuyant sur un bouton poussoir délivrer un belle impulsion calibrée sur l'entrée IPL7 du 68000. Le vecteur associé pointait sur la routine de trace d'Adebug.

Il suffisait d'attendre le déplacement suspect de la tête de lecture sur le track 80 (en général), un appui sur le bouton poussoir et on se retrouvait directement dans le code de la protection.

The Masters était composé de Milan le leader, Doug : graphiste et swapper, Alex s. coder / cracker (oui un autre Alex), Maurice swapper, Pascal coder (dit Zarathustra) et moi. Plus tard illégal ainsi que d'autres personnes nous rejoignirent.

Au sein de ce groupe je craquais un peu et codais quelques intros mais la plupart ne sont jamais sorties. Je les ai retrouvées par hasard.

J'avais fais des compilations, la routine de décompactage était dans le boot secteur, les exceptions fopen, fread et fclose étaient détournées, il suffisait de compacter tous les fichiers d'un jeu et de les mettre sur la disquette, la décompression se faisait en temps réel lors de la lecture des fichiers par le programme du jeu. Le boot secteur mettait en place les routines et affichait un menu de sélection.

Je me rappelle du crack d'Opération Stealth, Laurent (Eggskull) m'avait fourni l'original. Il fallait donner la couleur d'une parcelle d'une image, cette image (en papier aluminisé) était fournie dans la boîte du jeu bien sûr. Donc après avoir ripé l'image j'ai tous simplement coloré l'image affichée à l'écran, au démarrage, une pression sur F1 présentait l'image en couleur !

En 1989 acquisition d'une nouvelle machine : un Amiga 500. Les jeux étaient mieux que sur l'Atari il n'y avait pas photo, mais l'OS "le workbench" à moitié sur disquette était une vrai calamité. Cela me décourageait de m'y intéresser. Puis l'activité sur Atari ne me laissait guère de temps. Avec Darry Booper on avait fondé notre petit groupe sur amiga : The GOT. Si je me rappelle bien, il n'y eu qu'une intro de faite pour ce groupe. Les contacts affluaient.

Booper était plus branché musique. Il travaillait aussi dans une boutique d'informatique du coté de République sur Paname.

ATARI vs AMIGA :


La rivalité entre les groupes de cracker sur les 2 machines ne me concernait pas, je possédais les deux, et je reconnaissais les défauts et qualités de chacune.

L'Atari était beaucoup plus facile d'utilisation, les disquettes étaient plus fiables car pas formatées en 11 secteurs comme sur l'Amiga. (TNM Destroy èa ne vous dit rien ?). Le GEM était un régal, les durs étaient correctement exploités. Les utilitaires étaient simples et puissants.

L'Amiga était affligé d'un OS assez rébarbatif, le lecteur de disquette était peu fiable. Il fallu attendre quelques années avant d'avoir des utilitaires potables. Quand à la gestion des disques durs : une lenteur effarante.
Par contre coté potentiel sonore et graphique l'Amiga était loin devant. Les coprocesseurs Cooper et autres lui donnaient un avantage certain. Mais il fallut attendre plusieurs années après la sortie de l'Amiga 1000 pour avoir les softs qui en tiraient la quintessence.

Les premières copy-parties


Au début on se retrouvait avec The Masters. Ca swappait pas mal, puis des potes organisaient des petites copy parties dans leur garage histoire de délirer un peu comme Quertzu qui avait offert un Alice comme lot au meilleur sur un jeu.

Quand à JCA, sa porte était toujours ouverte pour nous accueillir.

On passait aussi régulièrement des week-ends chez Benoît du coté d'Etampes, la c'était trop fort. Chacun arrivait avec soit un ordinateur, soit un magnétoscope ! On se retrouvait à une petite dizaine. Et toute la durée du week-end c'était copies en tous genre en regardant des films. Zappeur était le chef cuisto (sa spécialité les nouilles !!!).

On allait aussi chez Korgull. Ses parents lui avaient aménagé sa chambre au niveau du garage, lui donnant une complète autonomie. Régulièrement on passait le voir histoire de siroter une bière tout en écoutant du hard trash en attendant que les copies se fassent !

Puis Booper organisa une petite copy party dans son garage.

Puis ce fut d'autre gars qui en nous invitant avait une garantie de news à la clé.

Je me souviens de DIABOLICS sur Amiga qui avait réussi à nous trouver une copy party.

Puis nous f¹mes invités via Laurent à une copy party organisée dans la banlieue de Paname. C'était dans une école ! Gigantesque ! Plus de cent personnes, c'était la première copy party digne de ce nom.

On comprit qu'il fallait organiser une copy party. Elle eut lieu quelque mois plus tard à Montrouge, dans une salle des fêtes. Quertzu s'était occupé de la réservation, moi des victuailles, c'était plutôt orienté Amiga.

On y a vu défiler une trentaine de personnes. On s'était bien amusé. Mais malgré mon stock de disquettes vierge (100) je n'en avais pas eu assez !

Un groupe sur Amiga (Ones) recevait des disquettes régulièrement visiblement des states mais en 5" 1/4 ! Laurent (Eggskull) avait un floppy en 5" 1/4 on se chargeait du transfert en 3" 1/2 et au passage on se faisait une copie.

Un autre gars avait un modem Us Robotics en 14 400 bauds et se connectait sur un BBS aux states (calling card obtenue via le boulot de son père). Il descendait des soft en tous genres.

Avec Darry Booper on avait ouvert une boite postale où les softs des pays de l'est arrivaient régulièrement.

L'activité battait son plein, mais on ne revendait aucun soft. Certains groupes le faisaient sur Amiga.

Les plans matos


Le premier plan matériel, je l'eu grâce à un pote barman qui me mis en relation avec un responsable d'une entreprise. Le problème était le suivant : il recherchait un repreneur pour leur petit parc informatique qu'il remplaçait par du Mac.

Deux imprimantes laser (neuves) Slm 804 + deux Mega ST2 complets + deux Mega ST4 complets + 2 disques durs Megafile 30 + quelques logiciels. Le tout pour 20 000 francs.

A l'époque Blood montait sa boite et recherchait des imprimante Laser, je lui vendis 5000 francs pièce.

Je vendis aussi les Mega ST2 et un Mega ST4 ainsi qu'un Megafile 30. Ce qui me permit de faire l'acquisition d'un disque dur Megafile 44 et de garder un Mega ST4 et un disque dur Megafile 30.

Quertzu me brancha sur un plan matos assez risqué mais qui marchait.

Je fis la connaissance de AZ, un chef de gare (si !!) quelqu'un de passionné d'info et de bidouilles, son trip c'était le matos. Il laissa tomber son job pour monter une première boutique d'informatique (il y en eu plusieurs). Avec AZ plus de problème de matos. Ca arrivait par palette à des prix ridicules et entre AZ et Daniel mes machines ne me coûtaient rien !

Je revendais mon matos ce qui me permettait d'avoir toujours du matos récent.

Le rythme d'arrivée des soft était de 70 disquettes par semaine juste qu'à mon départ au service militaire en 1991.

Saturé je commençais à décrocher, ma situation financière me poussa à vendre mes 8 boîtes Posso de disquettes (200 par boîte), mes 2 disques durs Megafile 44, un de mes Atari et mon Amiga.

De retour du service militaire en 1992 je me remis à craquer et coder.

Zarathustra développait un soft de musique : Audio Sculpture et avait monté sa propre société d'édition : Expose software. Mais suite a une plainte d'Ubisoft je crois, il ne put jamais vendre son soft sur le sol français, il fut édité en Angleterre. Zarathustra voyageant beaucoup il avait fait la connaissance de Jochen Hippel.

Zarathustra entra en contact avec les Replicants, The Masters fut intégré au groupe des Replicants juste avant la Union Demo.

Zarathustra et un membre du groupe (je ne me rappelle plus de son nom) s'investirent dans la Union Demo avec l'aide ponctuelle des autres membres du groupe.


Puis le drame : Milan se tua en voiture. Le groupe stoppa net son activité.

Quelques années plus tard Pascal de France dit Zarathustra décédait (15/07/99).

Ils me manquent tous.

Saturé par une activité incessante, puis par ces coups durs, j'ai complètement décroché à partir de 1992.

A ce moment je me suis orienté sur du développement sur microcontrôleur.

Puis ce fut le déclin d'Atari et de Commodore, l'arrivé des consoles de jeux Nintendo et Sega. Je n'accrochais à ces machines stériles ou le développement n'était pas évident.

Le Bilan


Toutes plateformes confondues une centaine de softs déprotégés (ce qui est relativement peu). Une dizaine d'intros codées.

J'ai rencontré, côtoyé des personnes hors du commun qui mon beaucoup apporté.

Les années Atari Amiga ont été intenses, peut-être les plus intenses de ma vie.

J'en ai profité et je ne regrette rien même si on flirtait avec l'illégalité parfois.

Le Futur


Pour moi après les années Atari, Amiga, d'autres passe-temps sont venus (les mêmes que toi Quertzu).
Je me suis tourné vers la programmation de microcontrôleur.

Puis le mariage, les enfants.


Greetings to : the Union, the Replicants, the Masters, Blood, Eggskull, Zappeur, Dary Booper, Jcf, Jca, Korgull, Raf, Cro¹ton from age.

Je dédie cette histoire à : Daniel A., Pascal de France , Milan Bedov et Qwertzu.
Qu'ils reposent en paix.

SUNDANCE


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